Effleurement mécanique

Étudiante en sculpture à la Cambre, à Bruxelles, je suis fascinée par les robots non-anthropomorphes qui réalisent des tâches mécaniques et absurdes comme Can't help Myself de Sun Yuan et Peng Yu ou Perpétuité II de Felix Luque Sanchez. Je souhaitais réaliser une machine de cet ordre, avec des moyens plus modestes toutefois.Je suis sculptrice et un de mes matériaux de prédilection est le verre, que j'aime pour sa translucidité et sa fragilité. Seulement, comme je crée souvent des équilibres précaires avec mes sculptures, il m'arrive d'avoir des casses.C'est après une casse qu'est naît l'idée de cette installation. Je souhaitais réaliser un mécanisme qui puisse soulever un poids au bout d'un câble pour venir écraser du verre.

Mécanisme
Un moteur d'essuie-glace rembobine facilement un poids allant jusqu'à 10 kilos. Seulement je souhaitais que le poids lâché tombe en chute libre périodiquement. C'est là que se complexifie le système.
Après différentes versions, j'ai élaboré un système avec un électroaimant programmé par un minuteur. L'électroaimant est situé sur le bras tournant du moteur dans la bobine qui rembobine le câble. Il aimante la bobine sur le bras lorsqu'il reçoit du courant et permet de rembobiner ainsi le câble sur lequel est le poids quand le bras tourne. Quand l'électroaimant est éteint, la bobine est libérée et peut tourner, entraînée par le poids.

J'ai récupéré un moteur d'essuie-glace (d'une vieille Mercedes des années 1980-90 selon son vendeur) et j'ai réalisé un système sur mesure sur son bras tournant : la bobine qui accueille l'électroaimant, les crochets qui permettent à la bobine de tourner mais aussi d'être maintenue au bras du moteur même quand l'électroaimant est éteint.

Électronique
Concernant l'électronique, le moteur fonctionne sur un courant continu en 12V. J'ai acheté deux transformateurs identiques (de 12V, 5A) mais le moteur dysfonctionnait quand il n'était alimenté que par un seul. Je l'ai branché aux deux en dérivation et j'ai pu le faire fonctionner (à ne faire que s'ils sont identiques).
A un autre transformateur (de 12V, 2A) j'ai branché le minuteur et l'électroaimant de cette façon :

Il m'a fallu ensuite apprendre à régler le minuteur (XY-LJ02), qui est extrêmement précis (on peut régler jusqu'aux millièmes de secondes). J'ai choisi le programme P6 car il permet de se lancer dès qu'il est allumé sans besoin de déclenchement extérieur. J'ai pu régler le données (qui varient en fonction de la hauteur de l'installation) durant lesquelles l'électroaimant reçoit du courant (OP) ou pas (CL), ainsi que le nombre de répétitions également (LOP).De plus, comme l'électroaimant se situe sur un axe qui tourne contrairement au minuteur auquel il est branché, les fils s'enroulent rapidement et endommage le système. J'ai placé un collecteur tournant entre les deux qui évite ce problème.

Sculpture
Enfin pour le poids, j'ai taillé celui d'une ancienne horloge.
Le poids est suspendu au bout du câble, qui est devenu un ruban entre-temps, son poids est réparti entre deux poulies pour faciliter sa levée au moteur.

Concept
Finalement, en accrochant et en testant le système en juin 2025 dans un bâtiment de la Cambre, j'ai réalisé qu'il serait plus intéressant de régler le système pour que le poids ne viennent plus briser le verre mais le menacer en l'effleurant seulement.
L'installation s'intégrerait mieux au reste de mon travail qui évoque la vulnérabilité des corps et la menace d'un danger imminent.
Je suis fascinée par la mécanique des corps mais elle est le plus souvent suggérée dans mes sculpture qui restent figée. Cette installation me permet de recréer un mouvement et d'explorer autrement cette mécanique des corps.

J'ai travaillé longtemps et intensément sur cette installation. A force, ce mécanisme est devenu comme un organisme pour moi. Les transformateurs qui alimentent son moteur sont comme ses poumons par lesquels rentrent l'énergie (véhiculée dans les câbles qui font office de veines) et est transformée pour être consommée par le moteur, qui serait le cœur de ce mécanisme. L'électroaimant est comme un muscle, capable de se tendre et se détendre, dirigée par le minuteur qui fait office de cerveau.Enfin, je me reconnais d'une certaine façon dans cette installation. Ce mécanisme qui répète sans cesse un geste absurde et vain, me fait penser au travail artistique que je peux avoir moi-même, à me démener dans mes travaux avec acharnement entre création et accidents ou destruction dans un but qui me paraît parfois énigmatique.Lyriane Renault